Déclaration de consensus de l’atelier Hopkins-Oxford Psychedelics Ethics (HOPE)
Le premier atelier Hopkins-Oxford Psychedelic Ethics (HOPE) s’est réuni pour discuter des questions éthiques liées aux psychédéliques en août 2023 à l’Université d’Oxford.
Les organisateurs (BDE, DBY, EJ) ont voulu refléter la diversité de parcours et de perspectives des participants. Les discours principaux ont été donnés par un chercheur indigène et un psychiatre, et les autres participants comprenaient des avocats et des éthiciens, des scientifiques qui travaillent sur les psychédéliques, des anthropologues, des philosophes, des entrepreneurs et des acteurs de la réduction des risques.
L’atelier a été organisé en reconnaissance du fait que le domaine des psychédéliques est à un moment charnière de son histoire : la recherche, les applications cliniques et les initiatives politiques se développent rapidement. L’utilisation des psychédéliques est en pleine expansion et le développement de nouveaux systèmes qui régissent leur utilisation est déjà en cours. Ces changements se produisent malgré le fait qu’une incertitude substantielle demeure, à la fois sur les effets des psychédéliques et sur les dimensions éthiques autour de leur utilisation. Nous reconnaissons qu’il existe un risque important de préjudices ainsi que des avantages potentiels. Les participants à l’atelier ont discuté des aspects éthiques des psychédéliques, y compris les méthodes de recherche, les pratiques cliniques, l’histoire, le droit et la société, la spiritualité, la communauté, la culture et la politique qui se posent en relation avec les psychédéliques.
Malgré la valeur de ces discussions, le groupe reconnaît que relativement peu de voix ont pu être incluses par rapport à l’ampleur de ceux qui travaillent sur les psychédéliques et de ceux qui seront touchés par les psychédéliques dans les années à venir. Les participants ont décidé que l’amélioration des résultats nous obligerait à faire des efforts particuliers pour accroître davantage la diversité des perspectives et des antécédents des participants lors d’événements futurs, y compris les patients et les utilisateurs (non seulement ceux qui ont bénéficié des psychédéliques, mais aussi ceux qui en ont été lésés), les entreprises biopharmaceutiques, les communautés indigènesqui ont des antécédents établis d’utilisation de psychédéliques, et les législateurs et les décideurs.
Les participants à l’atelier ont discuté d’une ébauche du document actuel. Ce document vise à résumer notre compréhension commune de certaines des considérations éthiques centrales liées aux psychédéliques et à fournir quelques recommandations dans ce domaine. Bien sûr, sur certains points, il n’y a pas encore de consensus, et il se peut qu’il n’y en ait jamais. En outre, il y a des questions sur lesquelles le groupe était agnostique, des questions qui divisaient la salle et des questions dont nous avons convenu qu’elles nécessitaient plus de données probantes et de discussions entre l’ensemble des parties prenantes. Néanmoins, les signataires approuvent les sentiments décrits ci-dessous et estiment qu’ils méritent d’être transmis au public général. Plus largement, nous espérons que cette déclaration est une contribution utile : à ceux qui travaillent avec, recherchent ou utilisent des psychédéliques, ainsi qu’à toute personne intéressée par le sujet.
Introduction
La poussée vers le développement de substances psychédéliques en médicaments autorisés au cours des dernières années a conduit à une reconnaissance croissante de l’importance de proposer de façon prudente des meilleures pratiques de recherche, cliniques et politiques pour réglementer leur utilisation clinique. Plus précisément, de meilleures pratiques devraient être développées et mises en œuvre pour minimiser les risques pour les patients et promouvoir les avantages. Il y a également des questions de justice sociale à aborder, telles que la promotion d’un accès équitable et le partage approprié des avantages avec certaines communautés indigènes qui ont une longue histoire de pratique avec les plantes psychédéliques.
Actuellement, les applications cliniques peuvent dominer le discours sur l’intérêt dans les psychédéliques. Cependant, les rôles que les psychédéliques ont joués dans la société ont toujours transcendé le domaine biomédical, et continueront probablement à le faire. Les récents changements de réglementation ont supprimé les sanctions pénales pour l’utilisation personnelle des psychédéliques dans certaines juridictions, tandis que d’autres ont décidé de permettre et d’autoriser « l’utilisation assistée pour les adultes » en dehors d’un contexte médical. Parallèlement à ces changements, l’intérêt augmente pour des utilisations moins formalisées des psychédéliques dans des contextes spirituels, de développement personnel, d’amélioration du bien-être et autres. De telles utilisations restent interdites dans de nombreuses juridictions, et bien que rien dans cette déclaration ne doive être considéré comme une approbation d’un comportement illégal, de telles pratiques méritent une attention et une considération sérieuses.
Nous nous félicitons de l’analyse récente des psychédéliques dans le cadre de l’éthique clinique, ainsi que des points de vue juridiques et réglementaires, mais nous reconnaissons également la nécessité de prendre en compte les implications éthiques plus larges de l’utilisation des psychédéliques à plusieurs niveaux d’analyse. Les transgressions éthiques historiques autour des psychédéliques – y compris MK Ultra, les abus de patients et de prisonniers psychiatriques, les abus sexuels et les violations des limites par des guides, et les pratiques d’appropriation à l’égard des communautés indigènes – ne doivent ni être oubliées ni répétées.
L’éthique des psychédéliques est complexe : les expériences psychédéliques peuvent avoir des impacts psychosociaux ou spirituels profonds, parfois transformateurs, sur certains utilisateurs et ces expériences sont influencées par des facteurs sociaux et culturels. Une évaluation complète des risques et des avantages nécessite de voir les choses non seulement au niveau de l’utilisateur individuel, mais aussi aux niveaux socio-historique, politique, de santé publique et culturel. Même si nous en savons beaucoup plus sur les composés psychédéliques qu’il y a 15 ans, il nous reste encore beaucoup à apprendre et la poursuite de la recherche est absolument essentielle.
Conformément à notre intention de transmettre certaines questions centrales en matière d’éthique psychédélique et quelques recommandations sur le terrain, nous présentons ce qui suit comme un consensus « de base ». Dans chaque section numérotée ci-dessous, nous présentons :
- notre compréhension commune de certaines des principales considérations éthiques liées aux psychédéliques (tout en reconnaissant également les points de désaccord),
- notre position concernant ces caractéristiques,
- et nos suggestions a ce sujet.
I. Reconnaissance de la position particulière des communautés avec une utilisation historique des psychédéliques
- Nous reconnaissons que notre compréhension et nos pratiques actuelles concernant les psychédéliques ont été éclairées par des connaissances accumulées depuis longtemps au sein de communautés indigène particulières, qui ont été systématiquement marginalisées.
- Bien que des désaccords subsistent sur la mesure dans laquelle la pratique médicale moderne avec les psychédéliques représente une cooptation ou une adaptation des pratiques indigènes, la longue expérience de certains groupes indigènes avec les psychédéliques leur a donné des connaissances précieuses quant a la mitigation des risques liés a leur usage, , ainsi que des considérations plus larges de l’utilisation des psychédéliques que les communautés de recherche et de pratique pourraient ignorer.
- Les groupes indigènes qui ont certains antécédents d’utilisation de psychédéliques peuvent être soumis à des risques particuliers associés à une décriminalisation et une médicalisation accrues. La Déclaration sur les droits des peuples indigènes aborde ces risques, tels que l’appropriation non reconnue d’éléments tangibles et intangibles de la tradition culturelle, ainsi que des pratiques extractives et non durables qui menacent la gestion des écosystèmes et les modes de vie traditionnels.
- En tant que telles, les communautés de recherche et de pratique ont la responsabilité de reconnaître ou de collaborer avec les communautés indigènesdans un esprit de restitution, de respect et de réciprocité, y compris la prise en compte des connaissances et des intérêts de ces communautés dans la prise de décision, et une part appropriée de tout avantage financier découlant de la commercialisation des psychédéliques, ou des pratiques ou technologies qui doivent leur origine aux connaissances indigènes.
II. Approche de précaution pour faire progresser la compréhension scientifique
- Bien que les psychédéliques classiques sont nettement plus sûrs que ce que l’on pensait il y a plusieurs décennies, leurs risques ne sont pas encore complètement compris. Les préjudices potentiels à long terme et « non standard » (par exemple, ceux liés aux changements de croyances et de perspectives, ainsi que les préjudices relationnels), en particulier, sont sous-étudiés.
- Les chercheurs, les éditeurs de revues et les CPP ont le devoir de veiller à ce que les études soient menées de manière à promouvoir la collecte systématique des avantages potentiels et des effets indésirables.
- La majeure partie des données de sécurité des psychédéliques proviennent d’échantillons très peu représentatifs : participants homogènes, « occidentaux, éduqués, industriels, riches et démocratiques » (WEIRD, de l’anglais Western, Educated, Industrial, Rich and Democratic) qui prennent des psychédéliques dans des contextes d’essais étroitement contrôlés. Les résultats de ces échantillons ne seraient pas forcément les mêmes dans d’autres contextes, par exemple, dans les contextes cliniques du monde réel et « d’utilisation assistée pour les adultes », ainsi que d’autres contextes d’utilisation en groupe et individuelle.
- Il est nécessaire d’obtenir des données probantes sur les préjudices, la réduction des préjudices et les avantages potentiels en dehors du contexte des essais clinique (par exemple, les contextes récréatifs et de retraite), par le biais d’une épidémiologie de qualité, de la science de la mise en œuvre et d’études d’efficacité comparatives.
- L’objectif précieux de la recherche sur les résultats après l’utilisation de psychédéliques ne doit pas se transformer en une violation excessive de la vie privée, en particulier dans les contextes où l’utilisation de psychédéliques n’est pas entièrement protégée par la loi.
- Beaucoup d’entre nous sont ouverts à l’expansion prudente des essais cliniques, et potentiellement de la pratique clinique sur des sujets qui présentent des vulnérabilités supplémentaires et pourraient bénéficier des psychédéliques. Dans ce cas, il est essentiel d’investir davantage d’attention et d’efforts pour impliquer les voix multidisciplinaires et les parties prenantes qui ont vécu cette expérience afin d’assurer des protections proportionnées. Certains d’entre nous soutiennent que nous ne devons pas « protéger » les populations vulnérables en les excluant de la recherche afin que les études ne les incluent pas ; d’autres soulignent la nécessité d’obtenir de meilleures données probantes à partir des lignes de recherche existantes pour permettre une meilleure compréhension des mécanismes et des risques de base avant d’étendre la recherche aux populations vulnérables.
- Nos jugements sur les avantages et les risques des psychédéliques ne doivent pas être fondés sur « l’exceptionnalisme psychédélique ». Nous devons éviter d’être plus indulgents ou plus stricts dans nos évaluations simplement parce qu’il s’agit de psychédéliques. Cependant, nous reconnaissons que dans de nombreux cas, les psychédéliques offrent l’occasion de réfléchir aux pratiques et normes systémiques plus larges auxquelles nous sommes habitués. Par exemple, certains chercheurs ont soulevé des préoccupations concernant la qualité de la recherche médicale et scientifique en général (alléguant une ouverture et une transparence insuffisantes, des conflits d’intérêts non divulgués, une trop grande flexibilité dans l’analyse statistique et la communication des résultats, etc.). En tant que domaine relativement jeune, nous pensons que la science psychédélique est en mesure d’établir des normes plus élevées pour la recherche en général, et nous exhortons les acteurs de cet espace à saisir cette opportunité.
III. Reconnaissance de la légitimité des diverses motivations à utiliser les psychédéliques
- Malgré le statut contrôlé des drogues psychédéliques, les personnes peuvent avoir des raisons légitimes de vouloir utiliser des psychédéliques qui ne sont pas incluses dans leurs applications cliniques, y compris à des fins spirituelles, de bien-être, de développement personnel et récréatives.
- Les différents contextes d’utilisation de psychédéliques viendront avec différents profils de risque et différentes considérations éthiques (par exemple, l’utilisation clinique chez les moins de 18 ans et l’utilisation pour le développement personnel ou professionnel). Nous devons non seulement chercher à comprendre comment optimiser le ratio risques/avantages, mais aussi relever avec soin les nouveaux défis qui viennent avec de nouveaux contextes.
- Les utilisations non cliniques des psychédéliques sont et resteront probablement la grande majorité de l’utilisation des psychédéliques. Bien que nous rejetions la stigmatisation des consommateurs de drogues, nous reconnaissons que certaines pratiques et modes d’utilisation sont nocifs. Cela devrait être une priorité de développer une meilleure compréhension de la façon de réduire les préjudices dans ces contextes.
- Cette déclaration, mais pas tous ses membres contributeurs, reste agnostique sur la meilleure façon de réglementer les différents modèles d’utilisation et reconnaît les défis posés par le fait d’éviter la sur- réglementation et la sous-réglementation tout en cherchant à équilibrer la sécurité et l’accès.
- Bien que les décisions concernant les meilleures pratiques réglementaires dépendent de considérations éthiques et empiriques, un demi-siècle de prohibition des drogues est suffisant pour démontrer que les meilleures pratiques n’impliquent pas de condamnations pénales pour usage personnel ou possession de psychédéliques. La criminalisation de la consommation de drogues ou de la possession de kits d’essai visant à réduire les préjudices a été fortement contestée par la majorité des membres de l’atelier, qui l’ont jugée contraire à l’éthique. Nous reconnaissons une longue histoire de lois sur les drogues qui ont eu un impact négatif disproportionné sur les communautés minoritaires, en particulier, dans le contexte américain, sur les hommes de couleur, latinos et indigènes et leurs familles.
IV. Besoin d’éducation
- Un large éventail de groupes (y compris le grand public, les associations médicales, les forces de l’ordre, les commissions de révision institutionnelle, les assureurs et les médias) peut bénéficier d’une bonne information sur les psychédéliques. La communauté de la recherche sur les psychédéliques a la responsabilité de s’efforcer de fournir des informations impartiales sur les psychédéliques, sans biais ni battage médiatique (trop positifs ou négatifs), y compris leurs dimensions culturelles, leurs effets caractéristiques, leurs préjudices potentiels, leurs avantages et les incertitudes autour de leurs mécanismes d’action et leurs effets.
- Bien que des données scientifiques rigoureuses soient indispensables à l’optimisationdes résultats bénéfiques, la communauté scientifique psychédélique n’est pas la seule source de connaissances. Pour faire progresser les connaissances, il est nécessaire d’apprendre d’un large éventail de groupes, tels que les communautés indigènes qui ont des antécédents de pratique psychédélique, les praticiens clandestins, les utilisateurs récréatifs ou autres, y compris ceux qui ont été lésés de diverses manières par les psychédéliques.
- Les chercheurs psychédéliques devraient tendre à fournir ou à rendre accessible des informations sur la réduction des risques : ils ont une expertise particulière en matière de risques et les personnes peuvent être attirées par l’utilisation des psychédéliques dans des contextes non contrôlés en raison de recherches récentes. Le fait de fournir des informations sur la réduction des risques est un service précieux et n’équivaut pas à approuver des pratiques potentiellement risquées ou illégales.
- Les substances psychédéliques sont suffisamment distinctes pour que les garants de la réglementation qui ne les connaissent pas puissent involontairement les sur-réglementer ou les sous-réglementer. La communauté scientifiques devrait s’efforcer de les soutenir dans leur prise de décision en leur fournissant des informations sur les dimensions empiriques et éthiques pertinentes des psychédéliques.
V. Consentement
- La nature imprévisible des expériences psychédéliques présente des défis particuliers pour obtenir un consentement adéquat.
- Nous encourageons le développement d’un large éventail de ressources visant à informer les utilisateurs potentiels sur les expériences psychédéliques et leurs risques et avantages potentiels, y compris les données scientifiques, les témoignages d’utilisateurs similaires et le matériel éducatif. Dans ce contexte, la détermination des meilleures pratiques dépendra de la collaboration entre les chercheurs, les praticiens et les personnes qui ont vécu cette expérience.
- Les psychédéliques peuvent être sexuellement stimulants pour certains utilisateurs, et ils doivent en être conscients dans tous les contextes, y compris les contextes cliniques, récréatifs, spirituels et autres. Le contact sexuel n’est jamais approprié dans les contextes thérapeutiques, et les praticiens et les utilisateurs doivent être conscients que le « contact sexuel » n’est pas facile à définir clairement : les psychédéliques peuvent modifier les perceptions du toucher et des signaux sociaux connexes, et ce qui pourrait être inoffensif dans des contextes sobres peut ne pas l’être lors d’une expérience psychédélique.
- Le groupe était divisé sur la valeur et la pertinence du « toucher thérapeutique » lors d’une expérience psychédélique lorsqu’il existe des méthodes de confort non tactiles. Nous affirmons l’importance d’honorer tout refus de toucher thérapeutique. Bien qu’un toucher rassurant consenti de manière appropriée à la main ou à l’épaule en détresse puisse être approprié dans certains cas, nous approuvons la nécessité d’une recherche systématique sur une utilisation ultérieure pendant la pratique clinique et reconnaissons l’importance d’un état d’esprit de précaution concernant le toucher thérapeutique (par exemple, l’utilisation d’un processus de consentement en « deux étapes », la recherche du consentement pour le toucher avant et pendant les effets aigus du médicament).
VI. Équité
- Une approche axée sur l’équité des services psychédéliques est nécessaire pour assurer des résultats équitables et servira à éviter la perpétuation des inégalités qui entravent depuis longtemps la fourniture de soins medicaux aux communautés racialisées ou marginalisées.
- Les relations entre la biomédecine et les communautés marginalisées ont été tendues par une longue histoire de transgressions éthiques, et les efforts visant à développer une approche axée sur l’équité doivent tenir compte des préoccupations particulières relatives aux drogues qui auront un impact sur ces groupes (par exemple, l’impact de la guerre contre la drogue).
- Nous reconnaissons que les programmes d’équité sociale peuvent avoir des effets indésirables involontaires. Les initiatives concernant les psychédéliques qui visent à développer une approche axée sur l’équité des politiques et des pratiques doivent garantir que les programmes axés sur les groupes marginalisés sont intégrés de manière collaborative au sein des communautés, plutôt que de leur être imposés, et basés sur des données probantes (c’est-à-dire que ni l’efficacité ni l’absence d’externalités négatives ne doivent être supposées en l’absence de recherche). Des efforts particuliers doivent être faits – et des ressources mises de côté – pour garantir que les groupes marginalisés sont correctement représentés dans la recherche et les soins psychédéliques, au sein des cohortes de participants à la recherche, des programmes de formation en thérapie et des organismes d’élaboration de politiques.
- Les chercheurs et les praticiens psychédéliques doivent être conscients du fait que les personnes de différentes cultures peuvent avoir des besoins, des préférences et des visions du monde différents en matière de santé mentale. Le développement d’interventions psychédéliques doit être culturellement approprié.
VII. Conduite professionnelle
- Les structures d’octroi de licences pour les praticiens psychédéliques doivent élaborer et articuler des codes de conduite clairs et transparents pour travailler avec les psychédéliques, y compris des structures de responsabilité pour recevoir, signaler et pénaliser les transgresseurs. Les praticiens psychédéliques agréés dans les professions de la santé restent liés par leurs codes de conduite existants.
- Au-delà de ces exigences minimales en matière de conduite éthique, les communautés de praticiens psychédéliques devraient établir des codes accessibles au public qui détaillent les meilleures pratiques éthiques dans leur domaine.
- La pratique éthique chez les praticiens psychédéliques dépend non seulement de règles formelles, mais aussi du développement de cultures professionnelles qui s’engagent activement dans les défis éthiques rencontrés dans la pratique. Les praticiens et les chercheurs sont encouragés à participer à des discussions ouvertes sur ces questions dans des publications et des conférences universitaires, parallèlement à l’exploration de ces aspects dans le cadre de relations de supervision ou de groupes de pairs.
VIII. Vulnérabilités particulières liées à l’utilisation de psychédéliques et risques d’abus
- Les effets caractéristiques des psychédéliques, y compris les expériences profondes, ainsi que la suggestibilité accrue et la diminution de l’autonomie, peuvent considérablement augmenter la vulnérabilité des utilisateurs. Il est essentiel que des garanties proportionnées soient en place pour minimiser les risques d’abus de cette vulnérabilité (par exemple, l’enregistrement, avec consentement, des séances de traitement, avec la conservation et l’examen de la vidéo).
- Les utilisateurs de psychédéliques dans des cadres spirituels et thérapeutiques ont recherché des praticiens pour un soutien pastoral et psychologique compatissant, et l’exploitation de ces cadres représente un grave abus de confiance.
- La combinaison de la suggestibilité accrue, des sentiments de connexion et de confiance, ainsi que de la qualité noétique que les psychédéliques peuvent engendrer, augmentent le potentiel d’autres formes d’abus et de manipulation, y compris l’exploitation financière et la manipulation des croyances ou de la vision du monde des praticiens. Des codes de conduite clairs et transparents relatifs à ces formes d’abus doivent être au cœur des processus d’accréditation des praticiens et des discussions professionnelles en cours.
IX. Importance de l’étendue de la recherche pour faire progresser les connaissances
- Comprendre et optimiser les impacts potentiels des psychédéliques sur la société nécessitera non seulement une recherche scientifique rigoureuse, mais aussi un engagement avec des perspectives de nombreux domaines d’étude et des parties prenantes de divers horizons.
- Nous reconnaissons la valeur des diverses visions du monde dans l’étude des psychédéliques, y compris d’autres systèmes d’ontologie et d’épistémologie qui peuvent être difficiles à concilier. Pour faire progresser les connaissances et savoir-faire, il sera nécessaire d’impliquer les voix critiques et hétérodoxes, et nous sommes conscients que les informations cruciales proviendront souvent des parties prenantes qui n’ont pas le capital culturel et économique le plus élevé.
- La recherche psychédélique peut se produire dans des silos disciplinaires, et les efforts qui visent à favoriser les échanges interdisciplinaires devraient être encouragés.
X. Responsabilité et éthique dans la communication
- Nous reconnaissons que les effets souvent profonds des expériences psychédéliques et les attitudes souvent très chargées à l’égard des psychédéliques (à la fois positives et négatives) renforcent le besoin de produire des communications fondées sur des données probantes et non hyperbolisantes sur les psychédéliques.
- Comme dans tout domaine, nous reconnaissons l’existence de conflits d’intérêts qui peuvent fausser à la fois les programmes de recherche et les rapports, et nous soulignons la nécessité de divulguer pleinement et de manière transparente tous les conflits dans les travaux universitaires publiés et autres communications.
- Les cliniques et les centres de retraite doivent divulguer et préciser le contexte culturel, les croyances ou la philosophie sous-jacentes et le « cadre » dans lequel leur pratique se déroule, car cela peut façonner l’expérience psychédélique d’un utilisateur.
- Les chercheurs et les médias sont ensemble responsables de la production de communications précises, transparentes et non hyperbolisantes qui sensibilisent à la fois aux avantages potentiels et aux considérations éthiques liées à l’utilisation de substances psychédéliques, y compris la réalité que de nombreuses incertitudes demeurent. Nous encourageons l’élaboration de lignes directrices pour les médias afin d’aider les journalistes qui cherchent à écrire avec précision sur les psychédéliques.
- Il existe une richesse de connaissances et de compréhension autour des psychédéliques détenue dans des communautés en dehors du monde de la recherche. Les chercheurs doivent reconnaître et créditer activement les sources d’information qu’ils utilisent, même si elles proviennent de l’extérieur de la littérature évaluée par les pairs.
- Les chercheurs devraient tendre à rendre les résultats de leur recherche aussi accessibles que possible (par exemple, en les publiant en libre accès lorsque c’est possible ou en produisant des résumés vulgarisés).
Signataires
Edward Jacobs, Brian D. Earp, Paul Appelbaum, Lori Bruce, Ksenia Cassidy, Yuria Celidwen, Katherine Cheung, Sean Clancy, Neşe Devenot, Jules Evans, Holly Fernandez Lynch, Phoebe Friesen, Albert Garcia Romeu, Neil Gehani, Molly Maloof, Olivia Marcus, Ole Martin Moen, Mayli Mertens, Sandeep M. Nayak, Tehseen Noorani, Kyle Patch, Sebastian Porsdam-Mann, Gokul Raj, Khaleel Rajwani, Keisha Ray, William Smith, Daniel Villiger, Neil Levy, Roger Crisp, Julian Savulescu, Ilina Singh, David B. Yaden
Pour citer cette déclaration
Jacobs, E., Earp, B. D., Appelbaum, P., Bruce, L., Cassidy, K., Celidwen, Y., Cheung, K., Clancy, S., Devenot, N., Evans, J., Fernandez-Lynch, H., Friesen, P., Garcia-Romeu, A., Gehani, N., Maloof, M., Marcus, O., Moen, O. M., Mertens, M., Nayak, S. M., … Yaden, D. B. (2024) The Hopkins-Oxford Psychedelic Ethics (HOPE) Working Group Consensus Statement. American Journal of Bioethics.
La portée des « psychédéliques »
Pour cette déclaration, nous prenons en considération les psychédéliques dits « classiques » ou paradigmatiques, définis comme des substances qui sont des agonistes partiels des récepteurs 5-HT2A qui produisent des états de conscience substantiellement modifiés impliquant des changements d’affect, de cognition et de perception. Des exemples notables comprennent la psilocybine, le LSD, la mescaline et la DMT. Certains d’entre eux (par exemple, les champignons à psilocybine ou la mescaline de peyote) se trouvent dans la nature et sont utilisés dans certaines communautés autochtones à des fins cérémonielles et communautaires, dans le contexte de systèmes de croyances et de traditions d’utilisation particuliers. D’autres (par exemple, le LSD ou la psilocybine synthétique) ont été développés par des scientifiques au cours du siècle dernier et peuvent avoir différentes associations au sein de la culture occidentale.
Le terme « psychédélique » a été inventé par le psychiatre Humphrey Osmond dans une correspondance avec l’auteur Aldous Huxley. En somme, le terme signifie « manifestation de l’esprit ». Dans l’utilisation contemporaine, les « psychédéliques » ont le caractère d’un concept de cluster, avec des exemples paradigmatiques au centre, et des exemples moins paradigmatiques vers les marges, avec un désaccord correspondant sur la question de savoir si ces derniers exemples doivent être considérés comme des « psychédéliques ».
Parmi ces exemples plus contestés figurent la MDMA, la kétamine, la salvia, la scopolamine, l’ibogaïne et le cannabis. Ces substances, et les différents modes d’utilisation associés, ont certaines caractéristiques communes avec les psychédéliques « classiques » sur lesquels nous nous concentrons dans cet article : ils impliquent des états de conscience intensément modifiés qui durent de quelques minutes à plusieurs heures, avec la possibilité d’effets persistants qui durent des jours, des semaines, des mois, voire des années.
Cependant, ces substances diffèrent selon un certain nombre de dimensions, telles que leurs mécanismes d’action pharmacologique, leurs antécédents d’utilisation et leurs effets subjectifs aigus. Ainsi, bien que certains des points éthiques que nous soulevons s’appliqueront probablement à ces derniers types de substances, nous ne nous engageons pas sur des implications particulières dans ces cas et considérons plutôt que notre déclaration concerne principalement les exemples paradigmatiques de psychédéliques (c’est-à-dire les psychédéliques classiques tels que la psilocybine).